défenseurs des droits humains

  • ALGÉRIE : « L’Etat doit respecter les libertés de ceux qui réclament la vérité et la justice sur les disparitions forcées »

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    CIVICUS échange sur la répression de la société civile en Algérie avec Nassera Dutour, militante franco-algérienne des droits humains, présidente du Collectif des Familles de Disparu.e.s en Algérie (CFDA) et de la Fédération Euro-Méditerranéenne contre les Disparitions Forcées.

    Le CFDA a été fondé à Paris en mai 1998, sous l’impulsion de mères algériennes vivant en France dont des proches avaient disparu en Algérie. Il défend le droit à la vérité et à la justice des familles de disparu.e.s et s’emploie depuis sa création à sensibiliser l’opinion publique nationale et internationale à l’ampleur des violations des droits humains en Algérie.

     

    Quelle est la raison de l’augmentation récente de la répression en Algérie ?

    En février 2019, la population en Algérie s’est mobilisée de manière spontanée et pacifique pour exiger un changement démocratique. Elle est descendue dans les rues d’Alger et d’autres villes pour protester contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, président en exercice, à un cinquième mandat. Même après sa démission, le mouvement de contestation, appelé « Hirak », n’a pas perdu de son élan, élargissant ses revendications pour la refonte profonde du régime, en quête d’un gouvernement civil ainsi que d’une « Algérie libre et démocratique ».

    Bien que la pandémie de Covid-19 ait mis un frein aux manifestations à partir de mars 2020, la mobilisation a repris en février 2021 avant de connaître un déclin définitif, en partie dû aux pressions concertées des autorités pour réprimer le mouvement. Le harcèlement et l’intimidation des militants des droits humains, en particulier de celles et ceux qui osent critiquer les discours et politiques du gouvernement, sont incessants. Les forces de sécurité les surveillent et les menacent, créant ainsi un climat de peur qui devient progressivement fatal à l’action pour la défense des droits humains. Dans certains cas extrêmes, des militants sont même confronté.e.s à des violences physiques, compromettant leur sécurité et leur capacité à poursuivre leur travail essentiel.

    Les tribunaux algériens se sont appuyés sur de nombreuses dispositions du Code pénal afin de bâillonner les voix critiques aussi bien en ligne qu’hors ligne. Des journalistes tels que Mustapha Bendjama, Khaled Drareni, Ihsane El-Kadi et Rabah Karèche ont été ciblés et condamnés à des peines de prison lourdes pour avoir dénoncé la corruption et les abus. Les autorités ont également arbitrairement restreint, voire bloquer l’accès à des sites d’information indépendants, minant davantage l’accès à une information plurielle.

    Entre autres tactiques, les autorités ont souvent invoqué l’atteinte à l’« intérêt national » pour restreindre la liberté d’action des défenseurs des droits humains. C’est ainsi que le président de l’association SOS Bab El Oued, Nacer Meghnine, a été condamné en 2021 pour des publications trouvées au siège de son association dénonçant la répression, les arrestations arbitraires et la torture. Les juges avaient en effet considéré que ces écrits ternissaient l’image de l’Algérie à l’international, et qu’en épinglant l’Algérie pour n’avoir pas appliqué la Convention des Nations Unies contre la torture, il incitait à l’ingérence étrangère. Nacer Meghnine a, par ailleurs, été condamné pour incitation directe à attroupement non armé, pour des tracts affichant des portraits de détenus d’opinion. L’un des outils les plus redoutables employés par les autorités pour réprimer la dissidence est la législation contre le terrorisme avec une définition du terrorisme élargie.

    Les organisations de la société civile indépendantes peuvent-elles toujours opérer en Algérie ?

    Le CFDA demeure une association clandestine malgré les nombreuses relances réalisées pour la légaliser auprès du ministère de l’Intérieur et de la préfecture. Il n’y a jamais eu de justification de la part de l’Etat expliquant ce refus d’autoriser l’enregistrement.

    De 2001 à 2013 le CFDA a dû déménager chaque année ses bureaux en Algérie, en raison de l’intimidation exercée sur les propriétaires par les autorités algériennes. En France, il y a eu deux intrusions particulièrement violentes dans les bureaux, qui ont été complètement saccagés. L’Etat algérien exerce une très forte pression psychologique chez les membres de l’organisation tant en Algérie qu’en France.

    En 2023, des policiers sont venus dans les bureaux d’Alger en menaçant les membres de l’association. Il n’y a pas eu de suites alors que l’avocate de l’association a cherché à déterminer l’existence d’un dossier d’enquête sur le CFDA ou sur le propriétaire des lieux.

    Lors de l’organisation d’une conférence qui devait se dérouler à Alger, les autorités sont venues à l’hôtel en nous « suggérant » de ne pas tenir la conférence. Les équipes du CFDA de ses partenaires ont essayé pendant des heures de tenir tête aux autorités policières et de gendarmerie, mais ils nous ont obligé à quitter les lieux. Ce séminaire international qui devait se tenir sur deux jours sous l’intitulé « vérité, justice et conciliation » a été tout simplement interdit.

    Le téléphone ainsi qu’internet ont été régulièrement coupés sans aucune explication et le site internet ainsi que les réseaux sociaux se sont fait piratés à deux reprises. La radio du CFDA crée en 2016 a été immédiatement censuré dans la mesure où il n’était plus accessible en Algérie. Six ans plus tard, le site a été piraté et le CFDA a été dans l’obligation de créer un autre site sous une autre enseigne.

    Les membres du CFDA ont subi un harcèlement psychologique allant jusqu’aux menaces de mort à répétition. En 2002, les autorités françaises m’ont prévenu que l’Algérie avait donné l’ordre de me tuer.

    En outre, le recours aux financements étrangers est drastiquement limité alors qu’il est quasiment impossible d’avoir accès à des financements de la part de l’Etat, dont seules les organisations « affiliées » à l’Etat algérien bénéficient.

    Depuis le Hirak, la dissolution des associations s’est intensifiée de manière exponentielle. En effet, une association peut être suspendue « en cas d’ingérence dans les affaires internes du pays ou d’atteinte à la souveraineté nationale ». Le Rassemblement Actions Jeunesse ainsi que la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme ont été dissoutes.

    Les manifestations organisées en Algérie pour défendre les droits humains sont souvent réprimées par la police, avec des nombreuses arrestations et détentions arbitraires, de cas de disparitions forcées de court et longue durée, et de cas de torture.

    En raison de cette répression, plusieurs défenseurs et défenseures des droits humains, avocates et journalistes ont dû quitter l’Algérie vers la France ou d’autres pays Européens. Mais la diaspora continue de faire front uni en menant des actions communes telles que des manifestations à Paris tous les dimanches, des missions de plaidoyer auprès des institutions nationales, européennes et internationales, la documentation et la rédaction de rapports à l’attention des organes décisionnels, d’investigation et judiciaires, la publication d’articles de presse et de communiqués officiels, des conférences et tables-rondes et des campagnes de plaidoyer sur les réseaux sociaux.

    Comment travaille le CFDA pour protéger et promouvoir les droits humains en Algérie ?

    Le CFDA mené des actions de plaidoyer auprès des instances internationales et invite des militants des droits humains et des membres de la société civile en Algérie à participer.

    Le CFDA informe immédiatement le grand public, dès qu’il a connaissance d’une violation des droits humains en Algérie. Cependant, on ne s’arrête pas à des dénonciations : on interpelle les États par des écrits ainsi que les instances internationales par des appels urgent adressées aux différentes procédures spéciales des Nations Unies et auprès des commissaires de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.

    Le CFDA a produit plusieurs rapports sur les droits humains en Algérie, sur la non-indépendance de la justice, sur le droit des femmes, sur les détentions arbitraires et les disparitions forcées.

    En 2014, on a inauguré le Centre pour la Préservation de la Mémoire et l’Etude des Droits de l’Homme à Oran. Il s’agit d’un espace de documentation, de rencontre et de réflexion sur des thématiques liées aux droits humains ouvert à tout public. Il dispose d’un vaste panel de publications concernant les disparitions forcées et la justice transitionnelle.

    Le CFDA forme et informe. En effet, on informe par nos réseaux sociaux et notre site internet, mais aussi par notre radio en ligne, « La radio des sans voix ». Depuis 2016, la radio aborde, dans des podcasts et interviews réguliers, des sujets liés aux droits humains. Elle fait partie intégrante de notre travail de mémoire, parce qu’elle offre un espace d’expression aux personnes qui ont été mises sous silence. Depuis 2019, la radio suit et commente également le Hirak et les dérives autoritaires du régime algérien.

    Le CFDA forme les militants des droits humains sur les mécanismes internationaux et africains de protection des droits humains, sur la communication interne et externe ainsi que sur la gestion des conflits. Il s’investit énormément sur l’indépendance de la justice car il estime que l’Etat de droit et la démocratie ne peuvent exister sans indépendance de la justice et que sans Etat de droit, la vérité sur les disparitions forcées en Algérie ne sera jamais établie.

    Quelles sont vos demandes au gouvernement algérien ?

    En ce qui concerne la recherche de la vérité, nous exigeons une enquête exhaustive et impartiale sur tous les cas de disparitions afin que la victime, si elle est vivante, soit placée sous la protection de la loi, et si elle ne l’est pas, que sa dépouille soit restituée à sa famille. Toutes les personnes concernées par la disparition doivent avoir accès aux résultats finaux de l’enquête.

    Les autorités doivent utiliser tous les moyens techniques et légaux pour localiser les charniers et tombes anonymes, identifier les corps, clarifier les circonstances dans lesquelles ils ont été enterrés et restituer les dépouilles aux familles. Elles doivent mettre en place une base de données ADN à des fins d’identification.

    Pour mettre fin à l’impunité, les autorités doivent mener des enquêtes immédiates et impartiales sur chaque cas présumé de disparition dont le commanditaire, auteur ou complice aurait la qualité d’agent de l’Etat. Toute plainte pénale contre un inconnu ou un agent public doit être déclarée recevable et faire l’objet d’une enquête immédiate. L’État doit également prendre des mesures urgentes pour garantir l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

    En outre, des réparations appropriées et adéquates doivent être accordées aux victimes, incluant une indemnisation financière appropriée, une réhabilitation morale et psychologique, et un travail de mémoire le plus exhaustif et visible possible.

    Pour s’assurer que les crimes du passé ne se répètent pas, l’État doit respecter, protéger, garantir et promouvoir les libertés d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique de ceux qui réclament la vérité et la justice. Il doit protéger toutes les victimes et leurs familles contre les atteintes potentielles à leur intégrité physique et morale qu’elles pourraient subir en raison de leurs revendications.

    Quel soutien la société civile algérienne reçoit-elle de ses alliés internationaux, et de quel autre soutien international auriez-vous besoin ?

    Les organisations non-gouvernementales internationales telles que Amnesty International et la Fédération Internationale pour les Droits Humains sont constamment en alerte quant à la répression du gouvernement algérien.

    De plus, les organisations ainsi que le CFDA et d’autres organisations algériennes ont mené et participé à des missions de plaidoyer auprès des instances internationales et notamment européennes concernant la libération des détenus d’opinions. Nous avons obtenu trois résolutions du Parlement européen concernant les violations des droits humains en Algérie.

    Malgré ces actions, à nos connaissances et à notre grand désespoir, aucun Etat ne s’est prononcé ou dénoncé la répression en Algérie.

    Dans ce contexte, il est nécessaire de renforcer la solidarité internationale pour montrer un front uni pour créer rapport de force qui amènerait les États à demander à l’Algérie de respecter ses obligations internationales et de ce fait, respecter le droit de toutes les libertés collectives et individuelles et l’instauration d’un Etat de droit en Algérie en commençant par l’indépendance de la justice. 

    Quant aux disparitions forcées, il est nécessaire de sensibiliser l’opinion internationale sur le fait que cette pratique peut arriver sous n’importe quel gouvernement répressif, et concerne de fait toutes les sociétés – d’autant plus dans un monde globalisé où les traumas intergénérationnels et les pratiques sont particulièrement mobiles. Apparue dans les dictatures d’Amérique latine dans les années 70 et 80, cette pratique est désormais utilisée sur tous les continents par des régimes autoritaires de tous bords politiques. Pourtant, les décideur.euses et différentes parties prenantes se sont montrées désengagées. Nous devons absolument mobiliser un large public et s’organiser à l’internationale pour combattre et prévenir ce crime. 


    L’espace civique en Algérie est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.

    Contactez le CFDA sur sonsite web, son compte d’Instagram ou sa pageFacebook, et suivez@SOS_Disparus sur Twitter.

  • ALGÉRIE : « Les autorités arrêtent les défenseurs des droits humains pour étouffer la société civile »

    Rachid AouineCIVICUS évoque la situation des droits humains et des libertés civiques en Algérie avec Rachid Aouine, directeur de l’organisation SHOAA for Human Rights.

    SHOAA for Human Rights est une organisation de la société civile (OSC) indépendante dont le but est de soutenir et de protéger les droits humains en Algérie. Fondée en 2020 et basée à Londres, au Royaume-Uni, elle fait un travail de sensibilisation à la question des droits humains et surveille, répertorie et dénonce les exactions commises contre les citoyens par les personnes au pouvoir.

    Quelle est la situation actuelle en matière de droits humains et d’espace civique en Algérie ?

    En raison de l’escalade des pratiques répressives de la part des autorités algériennes, la situation en matière des droits humains est extrêmement préoccupante. Les arrestations arbitraires se sont multipliées, ciblant des journalistes, des défenseurs des droits humains, des militants de la société civile et des militants politiques associés à des partis politiques liés au mouvement de protestation du Hirak. Tous se font arrêter pour avoir exercé leurs droits de liberté d’association, d’expression, de croyance et de réunion pacifique. Au cours des derniers mois, ils ont été incriminés comme jamais auparavant.

    Les autorités poursuivent injustement des personnes pour leur association présumée avec les mouvements d’opposition politique, à savoir « Rachad » et le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, qui ont été qualifiés en mai 2021 d’organisations terroristes par le Haut Conseil de sécurité, un organe consultatif présidé par le président algérien. Le Haut Conseil de sécurité a imputé à ces organisations la responsabilité des incendies de forêt dévastateurs qui ont ravagé le nord-est de l’Algérie en août 2021 et l’assassinat du militant et artiste Djamel Bensmaïl, alors qu’il était en garde à vue. Il a annoncé qu’il intensifierait ses efforts pour arrêter les membres de ces organisations jusqu’à leur « éradication totale ».

    Depuis le début de l’année 2021, les poursuites sous de fausses accusations de terrorisme se sont multipliées de manière alarmante. Pour les personnes reconnues coupables de ces accusations, le code pénal dicte des peines allant d’un an de prison à l’emprisonnement à vie et à la peine de mort.

    Bien entendu, les garanties de procédure et de procès équitable des personnes arrêtées et poursuivies ont systématiquement été violées.

    Une nouvelle vague d’arrestations a commencé en février 2022. Pourquoi les autorités ciblent-elles les défenseurs des droits humains en si grand nombre ?

    Les autorités algériennes arrêtent les défenseurs des droits humains pour étouffer la société civile. Les défenseurs des droits humains sont la seule limite à leur pouvoir, car ils sont les seuls à défendre et à promouvoir les droits humains en Algérie. Leur élimination permettrait de mettre fin dans la pratique aux flux d’informations concernant les violations des droits humains au reste du monde.

    Plutôt que de résoudre les problèmes que la société civile dénonce, les autorités s’en prennent à ceux qui prônent le changement, car elles considèrent le changement comme une menace et une limite à leur pouvoir. Pour dissimuler les violations continues des droits humains, elles ont recours à une répression systématique, ciblant spécifiquement les défenseurs des droits humains et la liberté d’expression.

    Trois ans après les manifestations du Hirak, les autorités continuent de restreindre les manifestations. Quelles tactiques de répression utilisent-elles ?

    En effet, trois ans après que le Hirak (qui signifie « mouvement » en arabe) a fait pression de manière pacifique pour un changement politique et a contraint le président Abdelaziz Bouteflika à démissionner, au moins 300 militants, dont beaucoup sont associés au Hirak, sont détenus par les autorités.

    Par le biais de décrets présidentiels, les autorités algériennes ont récemment promulgué une nouvelle législation hostile aux libertés d’expression et de réunion. En juin 2021, le code pénal a été modifié par décret présidentiel, ce qui a abouti à l’élargissement d’une définition déjà trop large de la notion de terrorisme. Des personnes sont désormais accusées d’infractions, telles que « l’offense aux organismes publics », « la diffusion de fausses informations », « l’appartenance à un groupe terroriste », « l’apologie du terrorisme » et « la conspiration contre la sécurité de l’État ». Une publication sur Facebook peut entraîner des accusations telles que « l’utilisation des technologies de l’information pour diffuser des idées terroristes » et « la diffusion d’informations susceptibles de nuire à l’intérêt national ». Même un simple envoi de fonds est considéré comme un acte de trahison.

    Tous les défenseurs des droits humains et les avocats qui tombent sous le coup de ces nouvelles lois, en particulier les articles 87 bis et 95 bis du code pénal, sont automatiquement visés par des accusations vagues, telles que « l’atteinte à l’unité nationale », et par de fausses accusations liées au terrorisme. Malgré la présentation de preuves de leur innocence par leur défense, les autorités judiciaires imposent les verdicts souhaités par les autorités.

    Les autorités accusent également les OSC pro-Hirak de mener des activités soi-disant contraires aux objectifs énumérés dans la loi sur les associations et dans leurs propres statuts. C’est ainsi que certaines de ces OSC ont été dissoutes, notamment le Rassemblement Action Jeunesse et l’association culturelle SOS Bab El Oued, dont le président a été condamné à un an de prison pour « atteinte à l’unité nationale et à l’intérêt national », en lien avec les activités de l’association.

    Les militants politiques et les dirigeants des partis liés au Hirak sont également sanctionnés pour des « délits » tels que « l’appel à un rassemblement », et les partis sont accusés de ne pas respecter la loi sur les partis politiques en organisant « des activités en dehors des objectifs fixés dans ses statuts ». C’est ce qui s’est passé, par exemple, après que plusieurs militants se sont réunis pour discuter de la création d’un front uni contre la répression.

    Que faut-il changer en Algérie ?

    La société civile doit être préservée tant qu’il en reste quelque chose. Elle joue un rôle majeur dans tout mouvement en faveur du changement. Lorsque les OSC sont absentes ou dissoutes, les personnes se retrouvent sans protection ni conseils. Cela est particulièrement vrai s’agissant des efforts de lutte contre la violence et les violations des droits humains : lorsqu’il n’y a pas d’OSC, les personnes ne sont pas renseignées sur les mesures à suivre pour faire valoir leurs droits et les violations des droits humains ne sont pas comptabilisées. Les associations, centres et organismes de la société civile sont essentiels pour encadrer le mouvement de protestation - pour lui donner une structure, une stratégie et un objectif.

    Si rien n’est fait, les autorités continueront à réprimer la société civile indépendante et la situation des droits humains s’aggravera. Si rien n’est fait, l’objectif de la démocratie et du respect des droits humains s’éloignera de plus en plus, jusqu’à devenir complètement hors de portée.

    Comment la société civile internationale peut-elle soutenir la société civile algérienne dans sa lutte pour les droits humains et les libertés démocratiques ?

    La société civile algérienne ne peut atteindre ses objectifs à elle seule ; elle a besoin de la coopération et du soutien de la communauté internationale. Pour lutter contre les violations des droits humains et promouvoir les libertés démocratiques en Algérie, la société civile nationale doit établir des rapports de coopération et travailler conjointement avec les organisations internationales.

    La société civile algérienne peut développer une stratégie efficace en ouvrant des lignes de communication internationales et en devenant une source majeure d’informations sur la situation réelle des droits humains sur le terrain. En s’appuyant sur ces informations, les organisations internationales peuvent contribuer à activer les mécanismes internationaux de surveillance et faire pression sur les autorités algériennes pour qu’elles changent.

    L’espace civique en Algérie est classé comme « réprimé » par leCIVICUS Monitor.
    Prenez contact avec l’organisation SHOAA for Human Rights via sonsite web ou sa pageFacebook, et suivez@shoaa_org sur Twitter.

  • BURUNDI : « L’activisme en faveur des droits humains ne peut pratiquement plus être mené ouvertement »

    CarinaTertsakianCIVICUS s’entretient avecCarina Tertsakian, co-fondatrice de l’Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB), à proposde la répression au Burundi de la société civile et des défenseurs des droits humains, ainsi que des droits des personnes LGBTQI+.

    L’IDHB était une initiative indépendante qui, depuis la mi-2019 jusqu’en décembre 2023, travaillait en coopération avec un éventail de personnes à l’intérieur comme à l’extérieur du Burundi pourdocumenter la situation des droits humains et plaider en faveur des droits humains.

     

    La situation des droits humains au Burundi s’est-elle améliorée ?

    Le bilan global du Burundi en matière de droits humains n’a guère évolué depuis l’entrée en fonction du président Évariste Ndayishimiye en 2020. À l’époque, les gens avaient de grands espoirs parce que le nouveau président avait un passé moins sanglant que son prédécesseur. Mais la protection des droits civils et politiques n’a pas progressé. Les autorités ont continué d’arrêter, de poursuivre, de maltraiter et parfois de torturer des personnes pour des raisons politiques. Parmi les personnes arrêtées figurent des activistes, des journalistes et des membres de l’opposition.

    Alors même que les formes les plus graves de violations des droits, telles que les assassinats politiques et les disparitions forcées, ont diminué, des défenseurs des droits humains et des journalistes se font arrêter arbitrairement seulement en raison de leur participation à des activités de défense des droits humains ou de leur affiliation à des organisations de la société civile (OSC) indépendantes. Ils sont généralement accusés de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État ou à l’intégrité territoriale, entre autres accusations sans fondement.

    Quelles sont les conditions de vie des personnes LGBTQI+ au Burundi ?

    En août 2023, 24 personnes ont été arrêtées pour leur présumée implication dans des organisations d’aide aux personnes LGBTQI+. Certaines ont été acquittées ou mises en liberté, tandis que d’autres ont été condamnées. Un des activistes acquittés est décédé avant d’être libéré. L’affaire est en cours et attire l’attention sur le problème sous-jacent plus large de la criminalisation de l’homosexualité au Burundi.

    Il est pratiquement impossible de s’identifier ouvertement en tant qu’activiste LGBTQI+ au Burundi. Si certaines organisations mènent des activités de soutien aux personnes LGBTQI+, elles évitent de s’identifier explicitement comme des organisations LGBTQI+. Les 24 personnes arrêtées, par exemple, avaient participé à une formation sur la sensibilisation et la prévention du VIH/sida.

    Dans son récent discours de fin d’année, le président Ndayishimiye a vilipendé les personnes LGBTQI+, qualifiant l’homosexualité de péché et encourageant la lapidation publique de ceux qui sont perçus comme des « homosexuels ». Cette horrible déclaration a alimenté la rhétorique de la haine en ligne mais, au moins, elle a été vivement critiquée par une OSC burundaise et plusieurs éminents activistes en exil – ce qui est extrêmement difficile à faire à l’intérieur du Burundi.

    Dans quelle mesure les organisations de défense des droits humains peuvent-elles effectuer leur travail au Burundi ?

    En 2015, une importante crise politique et des droits humains a éclaté au Burundi, marquée par une violente répression de la société civile, en particulier des détracteurs et des personnes soupçonnées de s’opposer au gouvernement. En conséquence, des dirigeants de grandes organisations de défense des droits humains ont fui le pays et demeurent en exil. Certains ont été inculpés et condamnés par contumace, notamment à l’emprisonnement à perpétuité.

    L’activisme en faveur des droits humains ne peut pratiquement plus être mené ouvertement au Burundi. Depuis 2015, les activistes qui s’attaquent à des questions politiquement sensibles font l’objet de menaces directes et ne peuvent pas travailler librement dans le pays. Même ceux qui étaient auparavant affiliés à des organisations de défense des droits humains qui n’opèrent plus au Burundi continuent de faire l’objet d’arrestations.

    Les activistes qui défendent les droits économiques et sociaux subissent comparativement moins de pressions. Certaines OSC travaillant sur les questions de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance ont été plus ou moins autorisées à fonctionner, bien que le gouvernement ait parfois entravé leurs activités, par exemple en perturbant ou en interdisant les conférences de presse.

    Les activistes burundais ont-ils trouvé la sécurité dans l’exil ?

    Les activistes en exil basés en Europe ou au Canada sont relativement en sécurité, tandis que ceux qui se trouvent au Rwanda peuvent subir des pressions supplémentaires. En 2015, alors que de nombreux journalistes et défenseurs des droits humains ont fui, le gouvernement burundais a interdit ou suspendu leurs organisations et fermé plusieurs stations de radio indépendantes. Certains journalistes en exil ont créé des stations de radio à l’étranger, principalement au Rwanda.

    Le gouvernement burundais a profité de l’amélioration récente des relations avec le Rwanda pour faire pression sur le pays hôte afin qu’il fasse taire ces journalistes ou qu’il les renvoie. Le gouvernement rwandais a lancé un ultimatum à certains de ces journalistes, leur imposant de se taire ou de partir, ce qui a contraint certains d’entre eux à cesser leurs activités au Rwanda et à se réinstaller ailleurs. Certains de ces journalistes, comme d’autres défenseurs des droits humains plus largement, étaient entre ceux qui ont été jugés et condamnés par contumace.

    Quelles sont vos principales demandes au gouvernement burundais ?

    La société civile burundaise demande au gouvernement de lever les restrictions sur l’espace civique, afin de permettre aux défenseurs des droits humains, aux journalistes et aux autres voix indépendantes de s’exprimer librement sans harcèlement. Nous soutenons ces demandes.

    Tout d’abord, le gouvernement doit libérerFloriane Irangabiye, une journaliste condamnée à 10 ans de prison en mai 2023. Cinq autres défenseurs des droits humains avaient été inculpés et jugés avant cela, en avril. Ils avaient été ciblés par le gouvernement en raison de leur association avec une organisation internationale non approuvée par le régime, et accusés de recevoir illégalement des fonds. Bien qu’ils aient été mis en liberté au bout de deux mois grâce à la pression internationale, certains d’entre eux ont reçu des condamnations de peine avec sursis. On appelle donc à ce que toutes les poursuites à leur encontre soient abandonnées. 

    La sécurité des activistes exilés doit également être assurée avant qu’ils ne puissent rentrer, ce qui nécessite la levée de leur peine. Tant que les défenseurs des droits humains continueront à faire l’objet de condamnations par contumace, il y aura des obstacles importants à toute forme d’activisme en faveur des droits humains au Burundi. Nous demandons également au gouvernement de révoquer les interdictions et les suspensions imposées aux OSC depuis 2015.

    Bien que le gouvernement prétende que le Burundi est une démocratie, ce n’est certainement pas le cas. S’il l’était, les critiques seraient permises et les activités des défenseurs des droits humains ne seraient pas criminalisées.

    Quel soutien les activistes burundais des droits humains reçoivent-ils de la part de leurs alliés internationaux, et de quoi ont-ils encore besoin ?

    Lorsque les pays de l’Union européenne, les États-Unis et d’autres gouvernements font part de leurs préoccupations concernant les violations flagrantes des droits humains au Burundi, notamment par l’intermédiaire de leurs ambassades dans le pays, cela fait vraiment la différence. Bien qu’il faille parfois des années pour obtenir la libération d’un défenseur des droits humains, l’intensification de la pression internationale s’est avérée efficace.

    Il reste trop peu de groupes indépendants de défense des droits humains au Burundi, et il est difficile d’apporter un soutien international à des entités pratiquement inexistantes. Ceux qui sont encore actifs sont pour la plupart des activistes individuels, qui peuvent difficilement être soutenus par les donateurs. Une exception notable est le journal indépendant Iwacu, qui poursuit son travail malgré les contraintes qui lui sont imposées. Nous encourageons les donateurs à maintenir leur soutien à ce média, qui représente l’une des dernières voix indépendantes au Burundi.

    Les organisations de défense des droits humains opérant depuis l’exil ont besoin d’un soutien continu et pourraient développer leur travail si elles disposaient d’un financement plus durable. Il est difficile de travailler depuis l’étranger. Après plusieurs années d’exil, les activistes commencent à se sentir déconnectés et démotivés car ils ne voient pas les choses changer.


    L’espace civique au Burundi est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.

  • Lettre internationale de soutien à la société civile bélarusse

    « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps »
    Pablo Neruda

    161 organisations de défense des droits humains appellent à la fin de la répression à l’encontre du Centre des droits humains Viasna et de tou.te.s les autres défenseur.e.s des droits humains au Bélarus. Nous condamnons les arrestations arbitraires systématiques, les coups et blessures et les actes de torture dont ils font l’objet. Malgré la répression totale exercée par les autorités bélarusses, les défenseurs des droits humains au Belarus continuent de lutter pour les droits de leur communauté. Inspirés par leur courage, nous ne cesserons de nous battre jusqu’à ce qu’ils soient toutes et tous libéré.es et puissent poursuivre leur travail de défense des droits humains librement et sans entrave.

    Au cours des derniers jours, nous avons assisté à une nouvelle vague de perquisitions et à l’arrestation de douzaines de membres de l’éminente organisation de défense des droits humains Viasna, et d’autres défenseurs des droits humains et militant·e·s bélarusses. Cette répression intervient en représailles de la dénonciation des violations de droits humains commises depuis la violente répression des manifestants pacifiques en août 2020. Depuis cette période, plus de 35 000 Bélarusses ont été arrêté.es pour avoir participé à des manifestations pacifiques, environ 3 000 instructions pénales ont été ouvertes pour des motifs politiques et au moins 2 500 cas de torture de citoyens bélarusses ont été documentés. Nous estimons que ces violations systématiques et généralisées des droits humains peuvent s’apparenter à des crimes contre l’humanité. En date du 19 juillet, 561 personnes étaient considérées comme des prisonnier·e·s politiques au Bélarus.

    Entre le 14 et le 16 juillet 2021, plus de 60 perquisitions ont été réalisées au domicile et dans les bureaux de plusieurs organisations de défense des droits humains du Bélarus et de leur personnel, dont le Centre de défense des droits humains Viasna, deux organisations membres du Comité international d’enquête sur la torture au Bélarus, ‘Human Constanta’ et ‘Legal Initiative’, ainsi que le Comité Helsinki du Bélarus, l’Association bélarusse des journalistes, le Centre de transformation juridique ‘LawTrend’, ‘Ecodom’ et bien d’autres encore. Des documents et du matériel informatique, y compris des ordinateurs portables, des téléphones portables et des ordinateurs de bureau ont été saisis au cours de ces perquisitions.

    Au total, plus de 30 personnes ont été interrogées. 13 d’entre elles ont été détenues pendant 72 heures, officiellement dans le cadre d’une enquête pour troubles à l’ordre public et évasion fiscale. La plupart a ensuite été libérée, dont Mikalai Sharakh, Siarhei Matskievich, et les membres de Viasna Andrei Paluda, Alena Laptsionak, Yauheniya Babaeva, Siarhei Sys, Viktar Sazonau, Ales Kaputski et Andrei Medvedev. Plusieurs d’entre eux restent toutefois frappés d’une interdiction de sortie du territoire et ont été mis en examen. Ales Bialiatsky, le président de Viasna, Valiantsin Stefanovic, vice-président de Viasna et vice-président de la FIDH, et Uladzimir Labkovich, un avocat et membre de Viasna, restent par ailleurs toujours en détention. Le 17 juillet, ces quatre militants ont été transférés vers le centre de détention provisoire ‘Valadarskaha’. Quatre autres membres de Viasna, Leanid Sudalenka, Tatsiana Lasitsa, Marfa Rabkova et Andrey Chapyuk, ainsi qu’Aleh Hrableuski, du Bureau de défense des droits des personnes en situation de handicap, sont quant à eux en détention provisoire depuis fin 2020 / début 2021.

    Viasna, l’une des organisations de défense des droits humains du pays, membre des réseaux de l’OMCT et de la FIDH, a été visée par le gouvernement du Bélarus pendant plus de vingt ans. En août 2011, son président Ales Bialiatsky avait été condamné à quatre ans et demi de prison sur base d’accusations montées de toutes pièces, puis libéré en juin 2014, après avoir passé 1 052 jours en détention arbitraire dans de terribles conditions. En guise de représailles pour le travail courageux et la position inébranlable de Viasna en faveur des droits humains, les autorités du Bélarus s’efforcent à nouveau de détruire l’organisation en mettant sept de ses membres derrière des barreaux.

    Les attaques ont commencé dès le lendemain de l’adoption par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies de la résolution condamnant la situation des droits humains au Bélarus, exigeant la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement et une enquête sur les cas allégués de torture et d’autres violations de droits humains.

    Les 8, 9 et 16 juillet 2021, les autorités ont perquisitionné les domiciles et les locaux de plusieurs médias indépendants et de leur personnel, dont Nasha Niva, l’un des plus anciens journaux indépendants du pays, et arrêté trois de ses journalistes. Les bureaux de RFE/ Radio Liberty et Belsat, la plus grande chaîne de télévision indépendante couvrant le Bélarus, ont également fait l’objet d’une perquisition, et plusieurs de leurs journalistes ont été arrêtés. A l’heure actuelle, 30 professionnels des médias et des douzaines de blogueur·se·s sont encore en détention.

    Nous, les organisations de la société civile soussignées, condamnons la voie de la violence et les violations massives des droits humains perpétrées par les autorités du Bélarus qui pourraient, nous le craignons, provoquer encore davantage de violence. Cette dernière vague de persécutions, associée à la répression brutale des derniers mois, montre que les autorités ont pour objectif d’arrêter ou de contraindre à l’exil tou·te·s les défenseur·e·s des droits humains du pays.

    Nous exprimons notre solidarité vis-à-vis de nos collègues et nos ami·e·s détenu·e·s, harcelé·e·s et persécuté·e·s en raison de leur travail courageux. C’est avec grande tristesse et préoccupation que nous assistons à ce qu’il·elle·s doivent endurer. Nous sommes profondément inspiré·e·s par leur engagement et leur résilience.

    Nous exhortons les autorités du Bélarus à cesser le harcèlement et l’intimidation des voix critiques, et à libérer tou·te·s les défenseur·e·s des droits humains, journalistes et militant·e·s.

    Nous appelons la communauté internationale à soutenir avec force les défenseur·e·s des droits humains du Bélarus, à dénoncer publiquement cette situation et à exiger la libération de ceux·celles qui sont encore derrière des barreaux et dont le seul crime est d’avoir exigé des changements et une société basée sur la justice plutôt que sur la peur.

    Signataires

    1. Abdorrahman Boroumand Center for Human Rights in Iran - Iran
    2. ACAT Belgique - Belgique
    3. ACAT Burundi - Burundi
    4. ACAT España-Catalunya (Acción de los Cristianos para la Abolición de la Tortura) - Espagne
    5. ACAT Germany (Action by Christians for the Abolition of Torture) - Germany
    6. ACAT Italia - Italie
    7. ACAT République Centrafricaine – République centrafricaine
    8. ACAT République Démocratique du Congo – République démocratique du Congo
    9. ACAT Suisse - Suisse
    10. ACAT Tchad - Thad
    11. ACAT Togo - Togo
    12. Action Against Violence and Exploitation (ACTVE) - Philippines
    13. Action des Chrétiens Activistes des Droits de l’Homme à Shabunda (ACADHOSHA) - République démocratique du Congo
    14. Advocacy Forum – Nepal - Nepal
    15. Agir ensemble pour les droits humains - France
    16. Albanian Human Rights Group
    17. ALTSEAN-Burma - Myanmar
    18. Anti Death Penalty Asia Network (ADPAN) - Malaisie/Asie-Pacifique
    19. Anti-Discrimination Centre Memorial - Belgique
    20. ARTICLE 19
    21. ASEAN Parliamentarians for Human Rights - Indonésie
    22. Asia Pacific Solidarity Coalition (APSOC) - Philippines
    23. Asociación para una Ciudadanía Participativa (ACI PARTICIPA) - Honduras
    24. Asociación pro derechos humanos (Aprodeh) - Pérou
    25. Association Mauritanienne des droits de l'homme (AMDH-Mauritanieuri) - Mauritanie
    26. Association of Parents of Disappeared Persons (APDP) - Inde
    27. Association Tchadienne pour la promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH) - Tchad
    28. Association tunisienne des femmes démocrates - Tunisie
    29. Avocats Sans Frontières France (ASF France) - France
    30. Banglar Manabadhikar Suraksha Mancha (MASUM) - Inde
    31. Belarusian-Swiss Association RAZAM.CH - Suisse
    32. Bulgarian Helsinki Committee - Bulgarie
    33. Cambodian Center for Human Rights (CCHR) - Cambodge
    34. Capital Punishment Justice Project (CPJP) - Australie
    35. Center for Civil Liberties - Ukraine
    36. Center for Constitutional Rights (CCR) – États-Unis d’Amérique
    37. Centre for Applied Human Rights (CAHR), University of York – Royaume-Uni
    38. Centre for the Development of Democracy and Human Rights (CDDHR) - Russie
    39. Centro de Derechos humanos Fray Bartolomé de las Casas A.c. (Frayba) - Mexique
    40. Centro de Derechos Humanos Paso del Norte - Mexique
    41. Centro de Investigación y Promoción de los Derechos Humanos (CIPRODEH) - Honduras
    42. Centro de Prevención, Tratamiento y Rehabilitación de Victimas de la Tortura y sus familiares (CPTRT) - Honduras
    43. Centro de Salud Mental y Derechos Humanos (CINTRAS) - Chili
    44. Changement Social Bénin (CSB) - Benin
    45. CIVICUS
    46. Civil Rights Defenders (CRD) - Suède
    47. Comision Nacional de los Derechos Humanos (CNDH-RD) – République dominicaine
    48. Coalition Burkinabé des Défenseurs des Droits Humains (CBDDH) - Burkina Faso
    49. Coalition Marocaine contre la Peine de Mort - Maroc
    50. Coalition Tunisienne Contre la Peine de Mort - Tunisie
    51. Collectif des Associations Contre l'Impunité au Togo (CACIT) - Togo
    52. Comisión de derechos humanos – COMISEDH - Pérou
    53. Comité de Familiares de Detenidos Desaparecidos en Honduras (COFADEH) - Honduras
    54. Comité de solidaridad con los presos políticos (FCSPP) - Colombie
    55. Committee on the Administration of Justice (CAJ) – Irlande du Nord (Royaume-Uni)
    56. Crude Accountability - États-Unis d’Amérique
    57. Czech League of Human Rights – République tchèque
    58. Death Penalty Focus (DPF) - États-Unis d’Amérique
    59. Defenders of human rights centre - Iran
    60. DEMAS - Association for Democracy Assistance and Human Rights - République tchèque
    61. DITSHWANELO - The Botswana Centre for Human Rights - Botswana
    62. Eastern Partnership Civil Society Forum (EaP CSF) - Belgique
    63. Eleos Justice, Monash University - Australie
    64. Enfants Solidaires d'Afrique et du Monde (ESAM) - Benin
    65. Federal Association of Vietnam-Refugees in the Federal Republic of Germany - Allemagne
    66. FIDU - Italian Federation for Human Rights - Italie
    67. Finnish League for Human Rights - Finlande
    68. Free Press Unlimited – Pays-Bas
    69. Fundación Regional de Asesoría en Derechos Humanos (INREDH) - Équateur
    70. GABRIELA Alliance of Filipino Women - Philippines
    71. German Coalition to Abolish the Death Penalty (GCADP) - Allemagne
    72. Greek Helsinki Monitor - Grèce
    73. Helsinki Citizens' Assembly – Vanadzor - Arménie
    74. Helsinki Foundation for Human Rights - Pologne
    75. Citizens' Watch Russia
    76. Human Rights Alert - Inde
    77. Human Rights Association (İHD) – Turquie
    78. Human Rights Center (HRC) - Géorgie
    79. Human Rights Center (HRC) "Memorial" - Russie
    80. Human Rights House Foundation
    81. Human Rights in China (HRIC) – États-Unis d’Amérique
    82. Human Rights Monitoring Institute (HRMI) - Lituanie
    83. Human Rights Mouvement “Bir Duino-Kyrgyzstan” - Kirghizistan
    84. Human Rights Organization of Nepal - Népal
    85. Humanist Union of Greece (HUG) - Grèce
    86. Hungarian Helsinki Committee - Hongrie
    87. IDP Women Association "Consent" - Géorgie
    88. Independent Medico-Legal Unit (IMLU) - Kenya
    89. Instituto de Estudios Legales y Sociales del Uruguay (IELSUR) - Uruguay
    90. International Commission of Jurists (ICJ) - Kenyan Section - Kenya
    91. International Federation for Human Rights (FIDH) - France
    92. International Legal Initiative - Kazakhstan
    93. International Partnership for Human Rights (IPHR) - Belgique
    94. International Service for Human Rights (ISHR) - Suisse
    95. Jammu Kashmir Coalition of Civil Society - Inde
    96. JANANEETHI - Inde
    97. Justice for Iran (JFI) – Royaume-Uni
    98. Justícia i Pau - Espagne
    99. Kazakhstan International Bureau for Human Rights and the Rule of Law - Kazakhstan
    100. Kharkiv Regional Foundation "Public Alternative" - Ukraine
    101. La Strada International - The Netherlands
    102. La Voix des Sans Voix pour les Droits de l'Homme (VSV) – République démocratique du Congo
    103. Latvian Human Rights Committee (LHRC) - Lettonie
    104. Lawyer's Committee for Human Rights YUCOM - Serbie
    105. League for the Defence of Human Rights in Iran (LDDHI) - Iran
    106. Legal Policy Research Centre (LPRC) - Kazakhstan
    107. Libereco Partnership of Human Rights - Allemagne/ Suisse
    108. LICADHO - Cambodge
    109. Lifespark - Suisse
    110. Liga Portuguesa dos Direitos Humanos - Civitas (LPDHC) - Portugal
    111. Liga voor de Rechten van de Mens (LvRM) (Dutch League for Human Rights) – Pays-Bas
    112. Ligue des droits de l'Homme (LDH) - France
    113. Ligue Tchadienne des droits de l'Homme - Tchad
    114. Maldivian Democracy Network (MDN) - Maldives
    115. Martin Ennals Foundation - Suisse
    116. Minority Rights Group - Grèce
    117. Mouvance des Abolitionnistes du Congo Brazzaville - Congo Brazzaville
    118. Mouvement Ivoirien des Droits Humains (MIDH) - Côte d'Ivoire
    119. Mouvement Lao pour les Droits de l'Homme - Laos
    120. Movimento Nacional de Direitos Humanos (MNDH) - Brésil
    121. Netherlands Helsinki Committee – Pays-Bas
    122. Norwegian Helsinki Committee - Norvège
    123. Observatoire du système pénal et des droits humains (OSPDH) - Espagne
    124. Observatoire Marocain des prisons - Maroc
    125. Odhikar - Bangladesh
    126. OPEN ASIA|Armanshahr - France
    127. Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT) - Tunisie
    128. Organisation Guineenne de Defense des Droits de l'Homme et du Citoyen (OGDH) - Guinée
    129. Österreichische Liga für Menschenrechte ÖLFMR - Autriche
    130. Palestinian Center for Human Rights (PCHR) - Palestine
    131. Pax Christi Uvira - République démocratique du Congo
    132. People's Watch Indie
    133. Programa Venezolano de Educación-Acción en Derechos Humanos (Provea) - Venezuela
    134. Promo LEX Association – République de Moldavie
    135. Protection International (PI)
    136. Public Association "Dignity" - Kazakhstan
    137. Public Association Spravedlivost Human Rights Organization - Kirghizistan
    138. Public Verdict Foundation - Russie
    139. Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme RADDHO - Sénégal
    140. Repecap Academics - Espagne
    141. Réseau des Defenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC) - Cameroun
    142. Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) - Haïti
    143. Rights Realization Centre – Royaume-Uni
    144. Rural People's Sangam - Inde
    145. Salam for Democracy and Human Rights – Royaume-Uni, Liban, Bahreïn
    146. Social-Strategic Researches and Analytical Investigations Public Union (SSRAIPU) – Azerbaïdjan
    147. SOHRAM-CASRA - Centre Action Sociale Réhabilitation et Réadaptation pour les Victimes de la Torture, de la guerre et de la violence - Turquie
    148. SOS-Torture/Burundi - Burundi
    149. SUARAM - Malaisie
    150. Syndicat national des agents de la formation et de l'education du Niger (SYNAFEN NIGER) - Niger
    151. Task Force Detainees of the Philippines (TFDP) - Philippines
    152. Thai Action Committee for Democaracy in Burma (TACDB) – Thaïlande
    153. The Advocates for Human Rights – États-Unis d’Amérique
    154. The Barys Zvozskau Belarusian Human Rights House (BHRH) - Lituanie
    155. The Commission for the Disappeared and Victims of Violence (KontraS) - Indonesie
    156. The International Rehabilitation Council for Torture Victims (IRCT)
    157. Urgent Action Fund for Women's Human Rights – États-Unis d’Amérique
    158. Vietnam Committee on Human Rights (VCHR) - France
    159. World Coalition Against the Death Penalty (WCADP) - France
    160. World Organization Against Torture (OMCT) - Suisse
    161. Xumek asociación para la promoción y protección de los derechos humanos - Argentine

     L'espace civique en Biélorussie est considéré comme Réprimé par le CIVICUS Monitor

  • MALI : « La répression réelle ou perçue a créé un climat d’autocensure parmi les citoyens »

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    CIVICUS échange avec Nafissatou Maiga, coordonnatrice de l’Association des Jeunes pour le Développement de Sangarebougou/Femmes et Initiatives pour le Développement (AJDS/FID-MALI) sur l’état de l’espace civique au Mali depuis le coup d’état militaire de 2021.

    AJDS/FID-MALI représente la convergence de deux organisations de la société civile (OSC) maliennes engagées dans la défense des droits humains et de la liberté d’expression, avec un accent particulier sur les femmes et les jeunes.

    Dans quelle mesure les libertés civiques ont-elles été respectées depuis le coup d’État militaire de 2021 ?

    Après le coup d’État de 2021, en théorie, les libertés d’association, d’expression et de réunion pacifique n’ont pas été formellement interdites par les autorités. Dans la pratique, cependant, on constate une atmosphère de crainte et de répression qui dissuade de nombreux citoyens de s’exprimer librement.

    Bien que les associations ne soient pas officiellement interdites, la peur de représailles et de répression a conduit de nombreuses personnes à hésiter à rejoindre ou à s’engager activement dans des OSC ou des groupes politiques. Les membres de ces associations peuvent craindre d’être surveillés ou ciblés par les autorités.

    Bien que la liberté d’expression soit garantie par la loi, la réalité sur le terrain est souvent très différente. Les citoyens ont souvent peur de s’exprimer ouvertement, en particulier sur les réseaux sociaux, de peur de représailles. L’application souvent abusive de la loi sur la cybercriminalité, qui criminalise certains types de discours en ligne, a contribué à renforcer cette culture de la peur.

    Bien que les manifestations et les rassemblements pacifiques ne soient pas explicitement interdits, les autorités ont souvent recours à l’état d’urgence ou d’autres prétextes pour restreindre ou dissuader certains rassemblements.

    Dans l’ensemble, bien que les libertés civiques ne soient pas officiellement restreintes, la peur des représailles et la répression réelle ou perçue ont créé un climat d’autocensure parmi les citoyens, compromettant ainsi l’exercice de ces droits fondamentaux.

     

    Quelle est la situation des médias et des journalistes ?

    La situation des médias et des journalistes s’est fortement détériorée, en particulier pour ceux qui expriment des opinions divergentes de celles des autorités. Bien qu’il n’ait pas de chiffres précis, plusieurs journalistes et chroniqueurs ont été emprisonnés pour avoir exprimé des opinions considérées comme des infractions contre l’État. Un exemple frappant est celui du célèbre chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily, qui a été placé en détention préventive et reste incarcéré à ce jour. Cette répression contre les voix dissidentes crée un climat de peur et d’insécurité pour les journalistes indépendants et compromet sérieusement la liberté de la presse au Mali.

    Parmi les développements récents, il convient de mentionner la suspension par la Haute Autorité de la Communication de nombreux médias, en particulier des médias internationaux tels que RFI et France 24. En outre, des médias nationaux tels que Djoliba TV ont également été temporairement suspendus. En conséquence, l’accès à l’information et la diversité des opinions ont été restreintes.

    Au moment où les médias et les journalistes et ont le plus besoin de s’organiser et de travailler ensemble pour se protéger, il leur est de plus en plus difficile de le faire. Les restrictions imposées par les autorités rendent difficile la coordination. Les pressions exercées sur les voix dissidentes et les menaces de répression limitent leur capacité à se réunir et à agir collectivement pour défendre leurs droits.

    La suppression de fonds provenant de pays comme la France, destinés à soutenir la société civile, affaiblit également la capacité des médias et des journalistes à bénéficier d’un soutien financier et technique extérieur. Cela limite leur capacité à mener des actions de plaidoyer et de sensibilisation, ainsi qu’à renforcer leurs capacités pour faire face à la répression.

    L’absence de soutien international adéquat, tant financier que diplomatique, contribue à isoler davantage les médias et les journalistes maliens dans leur lutte pour la liberté de la presse et la protection des droits humains. Le manque de solidarité internationale peut également renforcer le sentiment d’impunité des autorités et aggraver la situation des médias et des journalistes.

    Que faut-il faire pour que les libertés civiques et démocratiques soient rétablies ?

    Face aux défis décrits, il est crucial que la communauté internationale intensifie ses efforts pour soutenir les médias indépendants et les journalistes maliens en difficulté, en leur fournissant du soutien financier, technique et diplomatique pour renforcer leur résilience et leur capacité à défendre la liberté de la presse et les droits humains.

    Les organisations internationales doivent également accroître leur soutien financier et technique aux OSC qui défendent la liberté d’expression et les droits humains au Mali. Ce soutien renforcera leur capacité à documenter les violations des droits humains, à fournir assistance juridique aux victimes et à plaider en faveur de réformes démocratiques.

    Pensez-vous que la transition démocratique promise aura lieu en 2024 ?

    Concernant la transition promise, les récents événements, notamment l’absence de mention de l’organisation des élections dans le projet de loi de finances et les discussions sur la sortie du Mali de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, l’organisation politique et économique régionale, suscitent des préoccupations quant à la volonté des autorités maliennes de respecter leurs engagements démocratiques. C’est pour cela que je suis pessimiste quant à la tenue d’élections démocratiques en 2024.

    Dans ce contexte, il est essentiel que la communauté internationale reste vigilante et continue d’exercer des pressions diplomatiques pour que les autorités maliennes respectent leur engagement à restaurer la démocratie et les droits humains.


    L’espace civique en Mali est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.

    Contactez l’AJDS/FID-MALI sur son siteFacebook et suivez@Ajdsang sur Twitter.

  • RDC : « La société civile est ciblée par certains politiciens qui trouvent en elle un obstacle à leur pouvoir »

    JonathanMagomaCIVICUS échange sur la récente élection présidentielle en République Démocratique du Congo (RDC) avec le journaliste et activiste des droits humains Jonathan Magoma.

    Jonathan Magoma est le Directeur des Programmes Pays et Directeur Exécutif ad intérim de Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI), une organisation de la société civile qui œuvre pour la paix et la protection des défenseurs des droits humains en RDC et dans la région.

    Dans quelle mesure les récentes élections en RDC ont-elles été libres et équitables ?

    L’élection présidentielle du 20 décembre 2023 a été organisée pour montrer à la face du monde que le pouvoir en place l’organisait dans le délai constitutionnel, mais a été émaillée de fraudes et d’irrégularités.

    Le processus électoral n’a pas été libre et moins encore équitable. Dans plusieurs circonscriptions, les groupes rebelles ont imposé leurs choix. Dans la province de l’Ituri, au Nord-Est du pays, le groupe armé Chini ya Tuna a contraint la population de voter pour un candidat de leur communauté. Les milices ont même ravi deux machines à voter pour procéder, eux-mêmes, au vote.

    Vers le centre du pays, dans la province du Sankuru, le frère d’un dignitaire congolais a mis en place une milice pour perturber les élections et molester les agents de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), tout simplement parce qu’il n’a pas été aligné comme candidat député national quand son parti n’est pas parvenu à atteindre le seuil exigé. Ses hommes armés ont emporté des kits électoraux en toute quiétude, sous les regards impuissants des observateurs.

    Par ailleurs, des candidats ont distribué des présents dans des centres de vote pour influencer le vote en leur faveur. Certains, et/ou leurs représentants, ont été attrapés en train de distribuer de l’argent aux électeurs le jour de vote, ce qui est illégal. Certains ont été interpelés par les éléments de l’ordre dans quelques centres, tandis que d’autres n’ont pas été inquiétés.

    Dans la circonscription de Kabare, au Sud-Kivu, par exemple, des matériels électoraux, pour être remis au centre de vote, ont été transportés dans les véhicules d’un parti politique membre du présidium de l’Union Sacrée pour la Nation (USN), la coalition qui a porté la candidature du président Félix Tshisekedi. Voyant cela, les observateurs et les électeurs dans ce centre ont crié à la tricherie.

    Sur quoi se fondent les allégations de fraude formulées par l’opposition ?

    Les allégations de fraude formulées par l’opposition congolaise sont légitimes. Elles se fondent sur le fait que plusieurs politiciens proches du pouvoir ont eu dans leurs domiciles des kits électoraux complets pour y effectuer des votes de manière frauduleuse. Des machines à voter ont été découvertes dans des maisons de particuliers avec des bulletins de vote déjà signés et complétés. C’est ainsi que dans la plupart de centres de vote, il y a eu carence en machines à voter, conduisant la population dans certaines circonscriptions au soulèvement.

    Le 31 décembre, la CENI avait rendu publics les résultats provisoires de l’élection présidentielle, proclamant ainsi Tshisekedi, candidat à sa propre succession, comme vainqueur. Mais cinq jours après cette publication, soit le 5 janvier, la CENI a procédé à l’invalidation des suffrages de 82 candidats députés ayant postulé aux législatives nationales, provinciales et à l’élection municipale du 20 décembre. Ces députés ont été invalidés après nombreuses accusations de détention illégale des machines à voter, fraudes, destruction du matériel électoral, bourrage des urnes et incitation à commettre des actes de violence contre les agents de la CENI. Parmi les invalidés figurent trois ministres en fonction, quatre gouverneurs de province, six sénateurs et un membre du bureau de l’Assemblée nationale. La quasi-totalité des personnes sur la liste étaient membres de l’USN.

    La centrale électorale avait, à la même occasion, annoncé l’annulation des résultats des élections dans les circonscriptions de Masimanimba dans la province du Kwilu et de Yakoma dans la province du Nord-Ubangi pour « fraudes massives et exagérées ». Malheureusement, la décision a laissé intacte l’élection présidentielle hautement contestée. Mais comment ces irrégularités ont pu se produire seulement à d’autres niveaux des scrutins et non à l’élection présidentielle tenue le même jour et avec les mêmes bulletins de vote ?

    Cette question a suscité du débat au sein de la société civile et, dans l’opposition politique, elle a suscité plusieurs manifestations pour contester ce « simulacre » d’élection et en exiger l’annulation. En vain : le 20 janvier, Tshisekedi a été investi Président de la RDC par « sa » Cour Constitutionnelle.

    Comment la société civile, et PPI en particulier, a-t-elle tenté de rendre les élections libres, équitables et pacifiques ?

    En période préélectorale, nous avons entamé des campagnes de sensibilisation pour promouvoir des élections apaisées. Nous avons tenu des actions de plaidoyer avec des parties prenantes aux élections, les amenant à adhérer aux valeurs démocratiques garantissant les élections équitables, libres, transparentes, inclusives et à la nécessité de garantir l’espace civique, avant, pendant et après les élections. Nous avons également formé des acteurs de la société civile et des journalistes sur l’observation électorale et la couverture médiatique des élections.

    En outre, nous avons observé le déroulement des scrutins et contribué au rapport de la société civile qui en a résulté. Ce rapport n’a toutefois pas été pris en compte par les entités compétentes.

    J’ai personnellement fait l’observation dans un village situé à environ 35 km au Nord de la ville de Bukavu, où les « observateurs en gilet » sont plus ou moins respectés et la plupart des agents de la CENI me connaissaient. Mais sans motif, il m’a été interdit de passer plus de 15 minutes dans un bureau de vote. Dans des centres environnants, les gens se sont plaints du manque d’accès aux bureaux de vote. Certains observateurs se sont également plaints. Dans mon bureau de vote, la machine à voter devait ouvrir à 6 heures du matin mais n’a été mise en marche qu’après midi, aux mécontentements des électeurs et électrices.

    Enfin, nous continuons à suivre de près la situation et assistons les défenseurs des droits humains, les journalistes et d’autres personnes menacés ou poursuivis pour avoir joué un rôle important ou pour avoir dénoncé des irrégularités lors des élections. PPI assiste actuellement deux journalistes et un activiste de la société civile poursuivis en justice par le parquet général de la province du Sud-Kivu pour avoir dénoncé les fraudes électorales perpétrés par un politicien proche du pouvoir. Les activistes sous menaces bénéficient de l’assistance juridique et judiciaire de PPI, de l’accompagnement psychosocial et des conseils sur la sécurité physique et numérique. Le cas échéant, la prise en charge médicale ou l’assistance financière, voire la délocalisation, est offerte à l’activiste en danger.

    Il sied de rappeler que nous sommes toujours en période électorale car les élections des sénateurs et des gouverneurs n’ont pas encore eu lieu. Initialement prévues en février, elles ont été reportées par la CENI et auront lieu fin mars et début avril. Pendant ce temps, les acteurs de la société civile continueront à être la cible de certains politiciens qui trouvent en eux un obstacle à leur pouvoir.

    Quelles étaient les revendications des manifestants le jour des élections, et comment le gouvernement a-t-il répondu ?

    Le 20 décembre, certains habitants de Beni et de Goma n’ont pas supporté l’attente. Arrivés tôt le matin aux bureaux de vote, ils n’ont pas retrouvé leurs noms sur les listes affichées à l’extérieur. De plus, certains bureaux de vote n’étaient pas ouverts. Dans certains centres, seuls deux bureaux de vote sur dix étaient ouverts, ou un sur huit. Des rumeurs ont circulé sur la possession illégale de machines à voter par certains candidats. Tout cela a donné lieu à des manifestations spontanées, notamment à Beni, où un centre a été vandalisé.

    Dans plusieurs circonscriptions, le vote s’est poursuivi au-delà du délai prévu. Le gouvernement a reconnu des « difficultés logistiques » mais a loué la CENI pour l’organisation « réussie » des élections. Evidemment la CENI n’était pas prête à gérer la logistique des élections. Il a ensuite été annoncé que les électeurs pourraient voter le lendemain, et le vote a repris dans presque tous les centres du pays. Dans la province du Bas Uélé, il a duré trois jours, du 20 au 22 décembre.

    Quelles sont vos attentes pour la période post-électorale ?

    Je reste pessimiste car je suis convaincu que les élections n’ont pas été transparentes, libres, crédibles et indépendantes. En outre, moins de la moitié des électeurs potentiels se sont rendus aux urnes. C’est un message fort pour un président censé avoir été élu avec plus de 73% de ceux qui sont dits avoir voté.

    Dans un tel contexte, la légitimité du pouvoir en place sera toujours remise en cause. D’ailleurs, l’ancien président de la CENI, Corneille Nanga, a initié en décembre un mouvement politico-militaire allié au mouvement terroriste M23, soutenu par le gouvernement du Rwanda et qui fait la guerre dans l’Est du pays.

    En période post-électorale, il se passerait plutôt de violations graves des droits humains comme ça a été documenté au cours du premier quinquennat de Tshisekedi qui avait, pourtant, promis faire du respect des droits humains et de la démocratie son cheval de bataille.

    Alors que la coalition au pouvoir s’est arrogée la majorité absolue des parlementaires, il est fort possible que pour son intérêt, cette majorité se mette à changer des lois, voire certains articles verrouillés de la constitution. Cela créerait le chaos et torpillerait la démocratie chèrement acquise.

    Que faudrait-il faire pour renforcer la démocratie en RDC ?

    Actuellement, l’espace civique est réprimé ou presque fermé en RDC. Les discours politiques se contredisent avec les actes sur terrain. Des opposants sont poursuivis et d’autres emprisonnés pour leurs opinions. Des manifestations sont réprimées de manière sanglante. Des journalistes tel que Stanis Bujakera, Blaise Mabala, Philémon Mutula et Rubenga Shasha et de nombreux activistes sont persécutés et jetés en prison pour avoir fait leur travail. Nous sommes intimidés et parfois menacés et même assassinés.

    Pour espérer renforcer la démocratie en RDC, il va falloir appeler le gouvernement devant ses responsabilités et engagements internes et externes pris. Le quatrième cycle de l’Examen Périodique Universel au Conseil des droits de l’homme des Nations unies est une grande opportunité au cours de laquelle les dirigeants congolais doivent renouveler leur engagement en faveur de la démocratie et du respect des droits fondamentaux.

    La société civile mondiale et la communauté des défenseurs des droits humains devront rester aux côtés des activistes congolais dans la quête de démocratie. Cela se passera par des actions conjointes de plaidoyer et de lobby ainsi que celles de renforcement des capacités et d’échanges d’expérience.


    L’espace civique en RDC est classé « réprimé » par leCIVICUS Monitor.

    Contactez PPI sur sonsite web, et suivez@PPIREGIONALE et@JonathanMagoma sur Twitter.

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