Le recours à la violence pour disperser les récentes manifestations au Tchad ainsi que les arrestations et détentions de membres de la société civile et de l’opposition politique montrent que la junte militaire cherche continuellement à entraver les libertés civiles et à faire taire toute critique à l’encontre de ses agissements.
Le 14 mai 2022, le groupe de la société civile Wakit Tama - qui regroupe des ONG, des membres de l’opposition politique, des syndicats et des défenseurs des droits humains - a organisé des manifestations contre la présence des troupes françaises au Tchad et le soutien français au président de transition Mahamat Idriss Déby Into.
La police tchadienne a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser des centaines de manifestants dans la capitale N’Djamena, puis dans trois autres villes, et a arrêté plusieurs syndicalistes et membres de l’opposition politique. Parmi les personnes détenues figurent Gounoung Vaima Gan-Fare, secrétaire général de l’Union des syndicats du Tchad, Youssouf Korom Ahmat, secrétaire général de l’Union des fournisseurs du Tchad, Massar Hissene Massar, président du Rassemblement des leaders de la société civile et Koudé Mbainassem, président de l’Association pour la liberté d’expression.
« La junte militaire continue d’avoir recours à la violence, aux arrestations arbitraires et aux détentions pour réduire au silence les manifestants et ceux qui demandent une transition plus inclusive au Tchad et un retour au gouvernement civil. Le droit de manifester est garanti par le droit international relatif aux droits humains et la junte militaire devrait libérer immédiatement toutes les personnes détenues et abandonner les charges retenues contre elles » a déclaré Said David Kode, responsable du département de plaidoyer et de campagne de CIVICUS.
Les personnes arrêtées sont accusées de troubles à l’ordre public, d’atteintes à l’intégrité physique de la population et de destruction de biens. Elles ont toutes été incarcérées à la prison de Klessoum à N’Djamena. Suite à ces détentions, des manifestations, principalement menées par des étudiants, ont eu lieu le 16 mai pour réclamer la libération des personnes détenues et la fin de la présence française au Tchad.
Contexte
Des manifestations ont lieu régulièrement au Tchad depuis que le Conseil militaire de transition (CMT) a été mis en place en avril 2021 pour gouverner le pays pendant 18 mois. L’alliance de la société civile Wakit Tama a le plus souvent coordonné les manifestations pour demander une plus grande implication dans le CMT et le processus de transition lui-même, ainsi que le retour à un gouvernement civil. La junte militaire continue d’interdire les manifestations en les devançant, en les empêchant et en faisant usage de la force lorsque des manifestations ont lieu. Par exemple, le 2 octobre, plus de 40 personnes ont été blessées lorsque la police et la gendarmerie anti-émeutes ont dispersé des manifestations par la force alors qu’elles étaient autorisées à manifester. Quelques jours plus tard, le 9 octobre, des dizaines de personnes ont été arrêtées lors d’une autre manifestation interdite par les autorités militaires.
L’espace civil au Tchad est considéré comme réprimé par le CIVICUS Monitor.
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