Nicaragua

  • Vives inquiétudes concernant les violations continues des droits humains au Nicaragua et l'absence de conséquences pour les auteurs de ces violations

    Son Excellence António Guterres

    Secrétaire général des Nations Unies

    405 East 42nd Street New York, NY

    10017 USA 30

    Par courrier électronique : et

    le Secrétaire général,

    Nous, les groupes de la société civile soussignés, actifs dans différentes régions, vous écrivons pour attirer votre attention sur l'érosion continue de l'état de droit et les violations systématiques des droits humains au Nicaragua. Le président Daniel Ortega et son parti, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), mènent une campagne continue qui vise les organisations de la société civile, les défenseurs des droits humains et l'opposition politique, réduisant au silence toute forme de dissidence.

    Les institutions indépendantes, y compris le système judiciaire et d'autres institutions publiques, sont contrôlées par le gouvernement, de sorte qu’il est impossible pour le président Ortega et son gouvernement d’être tenus responsables des violations des droits humains qu'ils commettent. Le gouvernement a ignoré à plusieurs reprises les recommandations visant à mettre fin à ces violations des droits humains et, si rien n'est fait d’urgence, il n'y aura plus de place pour la société civile et les voix indépendantes. Nous sommes très préoccupés par :

    Le désenregistrement sans précédent des organisations de la société civile et les restrictions à la liberté d'association

    Nous sommes préoccupés par le fait que les autorités nicaraguayennes ont systématiquement pris pour cible les organisations de la société civile au cours des quatre dernières années et ont déclaré illégales plus de quatre cents ONG, les accusant de saper le régime, d'agir en tant qu’« agents étrangers » ou de ne pas fournir de rapports financiers. Le nombre et le type d'organisations visées sont sans précédent, y compris des organisations qui fournissent une aide indispensable pour la bonne santé des enfants, celles qui travaillent sur des projets de développement pour les communautés rurales, les groupes exclus et marginalisés, et les organisations humanitaires. Le Matagalpa Women’s Collective (Collectif de femmes de Matagalpa), par exemple, dont le statut juridique a été supprimé en 2021, a fourni pendant plus de trois décennies des soins essentiels aux femmes et aux enfants, et a soutenu des bibliothèques et des foyers communautaires. Parmi d'autres, on peut citer CODENI, la fédération de coordination des ONG travaillant avec les enfants et les adolescents du Nicaragua, qui rassemble depuis plus de trois décennies des organisations œuvrant pour les droits des enfants et des adolescents.

    De multiples organisations de défense des droits humains, des groupes environnementaux, des associations professionnelles, des institutions culturelles et éducatives ainsi que des organisations religieuses ont également été touchées. Les attaques contre ces organisations ont été précédées par une série de décrets soutenus par le FSLN. Ainsi, en mai 2022, l'Assemblée nationale a approuvé quatre décrets législatifs privant 94 fondations et organisations de la société civile de statut juridique. Les autorités ont mis en œuvre certaines de ces mesures en confisquant les biens de certaines organisations, dont le Centre nicaraguayen des droits humains.

    Afin de restreindre davantage le droit à la liberté d'association, les autorités ont promulgué le 6 mai 2022 la loi générale sur la réglementation et le contrôle des organisations à but non lucratif. Cette loi impose des restrictions supplémentaires à l’enregistrement des organisations et donne au gouvernement le droit d'exiger des informations sur les activités, le financement et les bénéficiaires des organisations.Les autorités nicaraguayennes ont le pouvoir d’approuver les activités des organisations avant qu'elles ne soient mises en œuvre, et il est interdit aux organisations de participer à des activités politiques, concept dont la définition est très large.

    La criminalisation des médias indépendants et la persécution ciblée des journalistes

    Nous sommes préoccupés par la censure persistante des médias indépendants, par les arrestations de journalistes, et par les actes d'intimidations à leur encontre. Depuis 2018, plus de 20 médias ont été fermés et au moins 27 journalistes ont fui le Nicaragua pour échapper aux représailles de l'État. Le 10 juin 2022, le journaliste Juan Lorenzo Holmann du journal La Prensa a été condamné à neuf ans de prison pour « blanchiment d'argent ». Il avait été arrêté en août 2021. Le 16 février, le journaliste Miguel Mendoza a été condamné à neuf ans de prison et à l’interdiction d'exercer des fonctions politiques après avoir été reconnu coupable de « conspiration visant à porter atteinte à l'intégrité nationale » et de « diffusion de fausses nouvelles ».

    La persécution judiciaire, l’intimidation et la détention de défenseurs des droits humains et de membres des partis politiques

    Le régime du FSLN poursuit sa campagne de répression, de persécution et de détention des défenseurs des droits humains, des membres de l'opposition politique et des personnes critiques envers le gouvernement. Des dizaines de défenseurs des droits humains et de membres de l'opposition politique ont été arrêtés en amont des élections et ont été accusés d'infractions liées à la sécurité en vertu du Code pénal et de la loi sur la souveraineté. Dans la plupart des cas, les procès des personnes arrêtées étaient entachés d’irrégularités et beaucoup ne se sont pas tenus devant un tribunal, mais à la Direction de l'assistance judiciaire (DAJ) d'une prison également connue sous le nom de El Chipote.

    La plupart de ces procès sont menés à la hâte et les condamnations des détenus sont prononcées sans procédures régulières. Parmi les personnes condamnées figure le militant Yader Parajon, qui demandait justice pour les victimes de la répression gouvernementale et qui a été reconnu coupable de « conspiration visant à porter atteinte à l'intégrité nationale » le 2 février 2022. Ana Margarita Vijil, militante féministe et ancienne présidente du groupe d'opposition Unamis, a aussi été condamnée le 2 février 2022. La persécution et la détention de militants se poursuivent, malgré les inquiétudes exprimées par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) concernant les conditions de détention déplorables et inhumaines, y compris pour les femmes. En raison de ces restrictions, le CIVICUS Monitor a classé l'espace civique du Nicaragua comme fermé.

    Nous vous demandons d'exhorter le gouvernement du Nicaragua à :

    1. annuler toutes les politiques et lois restrictives permettant de rendre illégales les organisations de la société civile, et à créer un environnement favorable à leur fonctionnement sans crainte de représailles ;
    2. lever toutes les restrictions imposées par le gouvernement aux organisations de la société civile afin qu'elles puissent continuer à mener leurs activités ;
    3. libérer tous les défenseurs des droits humains, les membres de l'opposition politique, les militants et les autres personnes arrêtées et détenues, et à abandonner toutes les charges retenues contre eux ;
    4. prendre des mesures pour réviser la loi générale sur la réglementation et le contrôle des organisations à but non lucratif, en collaboration avec la société civile, afin de modifier ses dispositions restrictives ;
    5. respecter à tout moment l'état de droit et à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et des institutions d'État ;
    6. respecter les droits des membres de l'opposition politique et de leurs partisans, et à créer un environnement favorable à la participation politique.

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