HONG KONG : « La loi sur la sécurité nationale viole la liberté d’expression et intensifie l’autocensure »

CIVICUS s’entretient avec Patrick Poon, chercheur indépendant sur les droits humains, de la situation des droits humains à Hong Kong à la suite de l’adoption d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale (LSN) en juin 2020. Patrick est un chercheur en doctorat à l’Université de Lyon en France,a précédemment travaillé comme chercheur sur la Chine à Amnesty International, et a occupé différents postes au sein du China Human Rights Lawyers Concern Group, du Independent Chinese PEN Center et du China Labor Bulletin.

L’espace civique à Hong Kong est de plus en plus assiégé depuis le début d’une vague de manifestations de masse pour les libertés démocratiques en juin 2019, déclenchée par l’introduction d’un projet de loi sur l’extradition. Le CIVICUS Monitor a documenté l’usage excessif et mortel de la force contre les manifestants par les forces de sécurité, l’arrestation et la poursuite d’activistes pro-démocratie, ainsi que des attaques contre les médias indépendants.


Patrick Poon

Pourquoi la LSN a-t-elle été imposée à Hong Kong et quels ont été ses effets jusqu’à présent ?

La LSN, imposée par le gouvernement chinois le 20 juin 2020, sans aucune consultation ni contrôle législatif, permet à la Chine d’étendre du continent à Hong Kong certains de ses plus puissants outils de contrôle social. La loi prévoit la création d’agences de sécurité secrètes spécialisées, autorise le déni du droit à un procès équitable, accorde des pouvoirs étendus à la police, accroît les restrictions imposées à la société civile et aux médias et affaiblit le contrôle judiciaire.

La nouvelle loi porte atteinte à l’État de droit et aux garanties des droits humains inscrites dans la constitution de facto de Hong Kong, la Loi fondamentale. Elle est contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui fait partie du cadre juridique de Hong Kong par le biais de la Loi fondamentale et qui se traduit dans l’Ordonnance sur la déclaration des droits humains.

L’intention du gouvernement chinois est d’utiliser la LSN pour freiner le travail de plaidoyer et réduire le soutien à l’indépendance car de plus en plus de gens, et en particulier les jeunes, soutiennent l’autonomie de Hong Kong et embrassent l’identité de Hong Kong. Bien que la Loi fondamentale de Hong Kong consacre un degré élevé d’autonomie, le gouvernement chinois semble considérer les appels à l’autonomie et à l’autogestion gouvernementale comme un « danger pour la sécurité nationale ».

La LSN a gravement violé la liberté d’expression des habitants de Hong Kong et intensifie l’autocensure dans la ville. Dans le cadre de la LSN, les défenseurs de l’indépendance, ainsi que les hommes politiques et autres personnalités qui soutiennent les sanctions des gouvernements étrangers contre Hong Kong et contre les fonctionnaires chinois responsables de la promulgation de la LSN, ont été victimes de détention arbitraire. Le gouvernement tente évidemment de dissuader le gens de suivre l’exemple de ces personnes.

Les médias indépendants ont également été touchés par la répression. L’arrestation de Jimmy Lai, magnat des médias et fondateur d’un journal local très apprécié, Apple Daily, ainsi que d’autres cadres supérieurs de l’entreprise, a été une tentative du gouvernement de punir les médias critiques. La publication d’articles critiquant la LSN ou faisant état d’appels à des sanctions de la part de responsables de gouvernements étrangers devient un prétexte pour la répression des médias indépendants. Cela aura un impact à long terme sur les médias de Hong Kong, car cela intensifiera encore l’autocensure de certains médias.

Quelle a été la réponse de la société civile et du mouvement prodémocratie ?

La société civile a fortement réagi contre la loi parce que le processus de promulgation de celle-ci a violé le principe de l’État de droit et de l’équité procédurale à Hong Kong, et que les définitions vagues et larges de diverses dispositions de la loi dépassent la compréhension normale de la loi dans la ville. Les politiciens et les responsables gouvernementaux prochinois se sont efforcés de justifier la loi, mais leurs arguments sont absurdes.

Comment l’opposition et la société civile ont-elles réagi à la décision du gouvernement de reporter les élections législatives en raison de la pandémie de COVID-19 ?

Les élections de 2020 pour le Conseil législatif de Hong Kong étaient initialement prévues pour le 6 septembre, mais en juillet, la chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, arguant que les infections par COVID-19 étaient en augmentation, a utilisé ses pouvoirs d’urgence pour les reporter d’une année entière, de sorte qu’elles sont maintenant censées avoir lieu le 5 septembre 2021. Lam a nié que ce changement était dû à des spéculations politiques, mais c’était un coup dur pour les militants prodémocratie, qui espéraient obtenir une majorité au Conseil législatif.

Sur fond de manifestations massives, les candidats prodémocratie avaient déjà remporté une victoire écrasante aux élections du conseil de district de 2019. Avec la LSN nouvellement adoptée, le report des élections a été considéré comme faisant partie de la stratégie du gouvernement pour neutraliser le mouvement prodémocratie. Juste avant l’annonce du report des élections, douze candidats de l’opposition avaient été disqualifiés et quatre jeunes anciens membres d’un groupe d’étudiants indépendantistes ont été arrêtés sous l’égide de la LSN à cause de leurs publications pro-indépendance sur les médias sociaux.

Le report de l’élection a créé un certain conflit au sein du camp prodémocratie, certains appelant à la poursuite de la lutte au sein du Conseil législatif tandis que d’autres appelaient au boycott de la décision du gouvernement de reporter l’élection. De la décision du gouvernement de disqualifier certains candidats prodémocratie pour leurs opinions politiques, il ressort clairement que le gouvernement ne veut pas écouter les voix dissidentes au sein du corps législatif.

Comment la communauté internationale et les organisations internationales de la société civile pourraient-elles soutenir la société civile de Hong Kong ?

Les membres de la société civile de Hong Kong doivent travailler ensemble pour s’assurer que le gouvernement chinois et le gouvernement de Hong Kong n’abusent pas de la LSN pour étouffer toutes les opinions dissidentes, et surveiller de près si le gouvernement respecte les principes de l’État de droit et les normes internationales en matière de droits humains.

La communauté internationale doit continuer à s’élever contre la répression des gouvernements de Chine et de Hong Kong à l’encontre de la société civile et doit continuer à faire part de ses préoccupations concernant la LSN, que le gouvernement chinois impose par la force à Hong Kong au nom de la sécurité nationale, mais qui n’est en réalité rien d’autre qu’une tentative de faire taire les opinions dissidentes dans la ville. La communauté internationale doit envoyer un message clair selon lequel la sécurité nationale ne doit pas servir de prétexte pour étouffer la liberté d’expression.

L’espace civique en Chine est classé « fermé » par le CIVICUS Monitor.

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