À la veille de la 26ème Conférence des Parties des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), qui se tiendra à Glasgow, au Royaume-Uni, du 31 octobre au 12 novembre 2021, CIVICUS a interrogé des militants, des dirigeants et des experts de la société civile sur les défis environnementaux auxquels ils sont confrontés dans leur contexte, les actions qu’ils entreprennent pour y faire face et leurs attentes pour le sommet à venir.
CIVICUS s’entretient avec Mitzi Jonelle Tan, une jeune militante pour la justice climatique basée à Metro Manila, aux Philippines, membre des Young Climate Champions Philippines et participante active du mouvement international Fridays for the Future.
Quel est le principal problème climatique dans votre communauté ?
Les Philippines subissent de nombreux impacts du changement climatique, qu’il s’agisse de sécheresses plus longues et plus chaudes ou de typhons plus fréquents et plus intenses. Outre ces impacts climatiques - auxquels nous n’avons pas été capables de nous adapter et qui nous laissent sans soutien pour faire face aux pertes et aux dommages - nous sommes également confrontés à de nombreux projets destructeurs de l’environnement, souvent entrepris par des multinationales étrangères, que notre gouvernement autorise et même encourage.
Young Climate Champions Philippines, la version philippine de Fridays for Future, milite pour la justice climatique et pour que les voix des personnes issues des communautés les plus touchées soient entendues et amplifiées. Je suis devenue militante en 2017, après avoir travaillé avec des leaders autochtones aux Philippines, car ce travail m’a fait prendre conscience que la seule façon de parvenir à une société plus juste et plus verte est une action collective menant à un changement systémique.
Avez-vous été confrontée à des réactions négatives face au travail que vous réalisez ?
Oui, comme pour toute personne qui s’élève contre l’injustice et l’inaction, notre gouvernement, par l’intermédiaire de ses agents rémunérés, désigne les militants comme des terroristes : pour résumer, il nous traite de terroristes pour avoir demandé des comptes et poussé au changement. Être militant du climat s’accompagne toujours de la peur aux Philippines, le pays qui, pendant huit années consécutives, a été classé comme le plus dangereux d’Asie pour les défenseurs et militants de l’environnement. Nous ne vivons plus seulement avec la peur des impacts climatiques, mais aussi avec celle que la police et les forces de l’État s’en prennent à nous et nous fassent disparaître.
Comment établissez-vous des liens avec le mouvement international pour le climat ?
Je collabore beaucoup avec la communauté internationale, en particulier par le biais de Fridays for Future - MAPA (Most Affected Peoples and Areas), l'un des groupes de Fridays for Future dans le Sud. Nous y parvenons en ayant des conversations, en apprenant les uns des autres et en élaborant des stratégies conjointes, tout en nous amusant. Il est important que le mouvement mondial des jeunes soit très bien mis en réseau, uni et solidaire, afin de s’attaquer réellement au problème mondial de la crise climatique.
Quels sont vos espoirs que la COP26 débouche sur des progrès, et quelle utilité voyez-vous à de tels processus internationaux ?
Mon espoir ne réside pas dans les soi-disant dirigeants et politiciens qui se sont adaptés au système et l’ont géré pendant des décennies au profit d’une minorité, généralement issus du Nord global. Mon espoir repose sur les gens : sur les militants et les organisations de la société civile qui s’unissent pour réclamer justice et dénoncer le fait que le système axé sur le profit qui nous a conduits à cette crise n’est pas celui dont nous avons besoin pour en sortir. Je pense que la COP26 est un moment crucial et que ce processus international doit être utile, car nous en avons déjà eu 24 qui n’ont pas donné grand-chose. Ces problèmes auraient dû être résolus lors de la première COP et, d’une manière ou d’une autre, nous devons veiller à ce que cette COP soit utile et débouche sur des changements significatifs, et non sur de nouvelles promesses vides.
Quels changements souhaiteriez-vous voir se produire pour commencer à résoudre la crise climatique ?
Le seul changement que je demande est un grand changement : un changement de système. Nous devons changer ce système qui donne la priorité à la surexploitation du Sud et des peuples marginalisés au profit du Nord et de quelques privilégiés. Un développement bien compris ne devrait pas être basé sur le PIB et la croissance éternelle, mais sur la qualité de vie des gens. C’est possible, mais seulement si nous nous attaquons à la crise climatique et à toutes les autres injustices socio-économiques qui en sont la cause.
L’espace civique aux Philippines est classé « réprimé » par le CIVICUS Monitor.
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