TRAITÉ SUR LE PLASTIQUE DES NATIONS UNIES : « La santé humaine et l’environnement doivent primer »

VitoBuonsanteCIVICUS parle des progrès réalisés en vue d’un traité des Nations Unies sur les pollutions plastiques avec Vito Buonsante, avocat spécialisé en droit de l’environnement et conseiller technique et politique au Réseau international pour l’élimination des polluants (IPEN).

L’IPEN est un réseau mondial d’organisations de la société civile (OSC) qui cherche à améliorer les politiques en matière de produits chimiques et à sensibiliser le public afin d’éviter que les substances dangereuses ne soient produites, utilisées ou éliminées de manière préjudiciable à la santé humaine et à l’environnement.

La plupart des gens ne savent pas qu’un traité des Nations Unies sur la pollution plastique est en cours d’élaboration. Quand et comment le processus a-t-il commencé ?

En mars 2022, l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (ANUE), organe décisionnel le plus élevé au monde en matière d’environnement, a approuvé un large mandat pour entamer des discussions sur un traité international visant à répondre aux menaces croissantes des pollutions plastiques. Le champ d’application du traité sur le plastique est censé inclure tous les impacts des plastiques tout au long de leur cycle de vie, y compris les effets des produits chimiques toxiques contenus dans les plastiques sur la santé humaine et l’environnement. Il devrait contribuer à faire progresser le monde vers un avenir sans produits toxiques.

Selon l’analyse de l’IPEN, basée sur le mandat de l’UNEA, l’accord final doit aborder de quatre manières différentes les impacts sur la santé des plastiques et de leurs contenus chimiques. Premièrement, il doit évoquer les produits chimiques toxiques contenus dans les plastiques : leur emploi, leur émission et leurs effets nocifs tout au long de leur cycle de vie, allant de la production à la consommation et jusqu’à la gestion des déchets. Deuxièmement, comme le mandat souligne l’importance de promouvoir une conception durable, le traité doit veiller à ce que les produits chimiques dangereux soient éliminés de la production du plastique et que les plastiques contenant des produits chimiques dangereux ne soient pas recyclés.

Troisièmement, la résolution de l’AENU souligne l’importance de prévenir les menaces que les plastiques toxiques font peser sur la santé humaine et l’environnement. Dans ce cadre, elle appelle à une coordination avec la convention de Bâle de 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, la convention de Rotterdam de 1998 concernant l’importation de produits chimiques dangereux, la convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques persistants et l’Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques, un cadre politique mondial adopté en 2006. Le traité doit donc s’attaquer aux effets sur la santé et l’environnement de l’exposition aux produits chimiques dangereux et aux émissions toxiques tout au long du cycle de vie des plastiques.

Quatrièmement, la résolution de l’UNEA reconnaît les microplastiques comme faisant partie de la pollution plastique. Cela signifie que le traité doit également aborder les risques chimiques pour la santé et l’environnement liés aux microplastiques, y compris leur potentiel en tant que vecteurs de contamination chimique.

Quels sont les progrès réalisés lors de la première session de négociations ?

La première session du Comité intergouvernemental de négociation chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur les pollutions plastiques, y compris dans le milieu marin, s’est tenue à Punta del Este, en Uruguay, du 28 novembre au 2 décembre 2022.

Lors de cette première réunion, les États ont eu l’occasion d’exprimer leurs intentions concernant le traité qu’ils envisagent. D’un côté, un grand groupe d’États, travaillant sous l’égide de la High Ambition Coalition pour mettre fin à la pollution plastique, ont exprimé leur désir d’un traité qui change la façon dont les plastiques sont fabriqués et qui s’attaque aux causes profondes de la pollution plastique. De l’autre côté, un groupe d’États se bat pour un traité qui ne change rien au statu quo. Il est inquiétant de constater que ces pays comprennent le Japon, l’Arabie Saoudite et les États-Unis, qui souhaitent tous voir un traité axé uniquement sur la gestion des déchets plutôt que sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques, et construit sur la base d’engagements nationaux volontairement acceptés plutôt que sur des obligations contraignantes à tous les niveaux.

La deuxième session aura lieu fin mai et début juin à Paris, en France. Les négociations du traité devraient être achevées d’ici à la fin de l’année 2024, délai à priori respectable. Des mesures globales peuvent être adoptées. Le monde scientifique a déjà été très clair : il serait illusoire, après 40 ans d’échec à recycler même une petite partie des déchets plastiques, de penser que la solution à la crise de la pollutions plastique réside dans le recyclage des quantités croissantes de plastique produites. Il est trop tôt pour savoir la direction que prendront les discussions, mais il devrait être possible de se mettre d’accord sur un certain nombre de normes mondiales, même au risque que certains États ne ratifient pas immédiatement le traité.

À quoi ressemblerait un traité ambitieux ?

La mesure la plus importante pour que le traité soit efficace est la réduction de la production totale de plastique. Si la production ne ralentit pas, la quantité de plastique doublera au cours des 20 prochaines années et deviendra vraiment incontrôlable.

Une deuxième mesure clé concerne la conception des plastiques. Il est nécessaire de supprimer tous les additifs chimiques toxiques, tels que les bisphénols, les PFAS et les retardateurs de flamme, ainsi que tous les polymères toxiques tels que le PVC et le polystyrène. On sait que ces produits chimiques ont des effets nocifs sur la santé, perturbant notamment les fonctions hormonales, la fertilité et les fonctions cérébrales des enfants. La création de cycles de matériaux plus sûrs repose donc sur l’élimination de ces substances des plastiques. Il est également très important d’améliorer la transparence en ce qui concerne les ingrédients des plastiques ainsi que les quantités et les types de plastiques produits. Sans une image claire de ce qui est produit et où, il sera difficile de lutter contre la pollution plastique.

L’ambition doit également s’étendre à la mise en œuvre du traité, pour laquelle les pays développés doivent s’engager à créer un fonds. Quelle que soit la rigueur des dispositions du traité, sans un investissement considérable dans sa mise en œuvre l’impact ne pourra qu’être limité. Des engagements ont récemment été adoptés en faveur de fonds pour le climat et la biodiversité, mais aucun fonds n’a encore été créé pour lutter contre la pollution plastique et les effets liés aux produits chimiques et aux déchets.

Qu’apportent les OSC environnementales à la table des négociations ?

Les OSC disposent d’un large éventail de compétences et d’expériences qui sont très utiles aux négociateurs de traités. L’IPEN, par exemple, plaide depuis plus de vingt ans pour la reconnaissance de l’impact des produits chimiques toxiques contenus dans les plastiques, en montrant clairement, par le biais de nombreux rapports scientifiques et de tests sur les plastiques et les produits en plastique, comment ces derniers exposent les communautés et les populations vulnérables à des produits chimiques toxiques.

Nous sommes convaincus que la nécessité de résoudre cette crise planétaire prévaudra. La communauté internationale semble échouer dans la lutte contre le changement climatique. Elle ne peut pas aussi échouer dans la lutte contre les plastiques. Le traité sur les plastiques pourrait démontrer que la coopération internationale est le meilleur moyen de résoudre les problèmes mondiaux et que la santé humaine et l’environnement peuvent et doivent passer avant les intérêts nationaux et commerciaux.


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