Crises électorales, conflits et programmes d’éducation civique en République Démocratique du Congo

Réponse à l’appel ouvert par Jonas Habimana, Bureau d’Information Formation pour l’Echanges et les Recherches sur le Développement, République Démocratique du Congo

En République Démocratique du Congo (RDC) comme vous le savez, nous avons de sérieux problème de démocratie d’autant plus que les élections qui devaient être organisées en décembre 2017 n’ont pas eu lieu. On sent une mauvaise volonté des dirigeants. La société civile en collaboration avec les églises, en particulier l’église catholique, fait pression à travers des manifestations mais sans succès jusqu’à présent. Aujourd’hui, la Commission Electorale Nationale Indépendante a déjà publié le calendrier électoral mais plus de 60 % des Congolais vivant en milieux ruraux n’en sont pas informés, et ni sur le fonctionnement de la nouvelle machine à voter. Les personnes analphabètes auront sûrement des difficultés avec le format du nouveau bulletin de vote. En outre, la prolifération des groupes armés dans l’est de la RDC fait que les autorités du pays ne sont pas en mesure de contrôler toutes les zones ; il y a actuellement de nombreux déplacements de population, et beaucoup de jeunes sont enrôlés dans les groupes armés.

Le cas d’implication des femmes et de leurs associations dans les processus de médiation de conflit et électoraux

L’implication des associations de femmes dans le processus de réinventer la démocratie reste un grand défi au vu même de nombre de femmes dans les instances de prise de décision. Durant toutes les phases électorales de 2005 et 2011, nous avons trouvé que le nombre de femmes qui sont devenues député national était très faible. Malgré tout, les femmes se battent dans le processus de recherche et de consolidation de la paix et prônent un processus de démocratie en RDC d’autant plus que durant les différents conflits et guerres, les femmes ont beaucoup influencé les accords d’Addis Abeba et la conférence internationale Amani Leo, qui signifie ‘’ La Paix aujourd’hui ‘’, tenue en RDC à Goma. Durant la guerre de M23, déclenchée par un mouvement rebelle qui a commis de graves atrocités dans l’est de la RDC, l’ONG BIFERD s’est engagée avec plus de 25 associations de femmes de l’Est de la RDC pour le plaidoyer et la dénonciation des cas de violences, ce qui a eu aussi un impact très positif à la réduction des violences[1]. Actuellement, BIFERD continue aussi à interagir avec la société civile, et les organisations des femmes pour éduquer la population sur la prévention de conflits armés et interethniques pour que les élections puissent avoir lieu dans la plus par des zones d’intervention et en particulier les zones avec des conflits et tensions interethniques, malgré la présence de groupes armés actifs dans l’Est de la RDC, au Nord et Sud Kivu (notamment dans les territoires de Masisi, Rutshuru, Lubero, Shabunda et Mwenga). Actuellement, certaines de ces femmes ont postulé pour devenir candidates aux prochaines élections en RDC.

Autres actions de plaidoyer et de suivi démocratique

Face à ces crises politiques, la société civile a réagi à travers des activités de plaidoyer en écrivant des notes aux autorités du pays, en contactant les groupes armés et en organisant des dialogues communautaires et démocratiques. Par exemple, BIFERD travaille avec les coordinations de la société civile en territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo pour contribuer à l’amélioration du processus démocratique. En 2005 et 2011, plus de 50 observateurs électoraux ont été mis en place dans plusieurs centres de votes pour faire le suivi du processus électoral. Durant ces processus électoraux, une plus grande participation des personnes marginalisées de la société notamment les femmes, les déplacés, les pygmées et les analphabètes a été observé. Nos observateurs ont guidé les populations pour entrer dans les stations de vote, ils ont participé au processus de comptage de voix et ont témoigné d’une transparence dans les sites électoraux observés.

Les activités de sensibilisation sur la non-violence, la prévention des conflits sont des activités continuelles de notre organisation en travaillant avec les autres organisations de la société civile, tel que le Groupe Martin Luther King à Goma. Dans le cadre de plaidoyer, l’ONG BIFERD a depuis plus de 5 ans travaillé avec les ONG de défense des droits humains telle que Human Right Watch à travers un système de gestion des alertes, le suivi des violences et violations graves des droits humains dans les zones en conflit. Les données fournies à Human Right Watch sont souvent intéressantes pour le plaidoyer auprès des autorités militaires (les FARDC) et la police nationale congolaise pour influencer la décision des autorités de l’Etat congolais. Ces activités convergent vers l’objectif de ramener la paix, restaurer la démocratie et la prévention de violences dans les zones de l’est de la RDC. Des rapports sur l’analyse de conflits, deux notes de plaidoyer, des séances de sensibilisation à la radio, la création d’un groupe de jeunes pour la paix à Rutshuru par exemple en sont les résultats. Plusieurs leçons apprises notamment sont les suivantes :

  1. Les violences ne sont pas causées seulement par les groupes armés mais, la police nationale et les forces armées congolaises en sont aussi les auteurs.
  2. Les conflits ont pris une autre dimension en opposant les communautés locales notamment les Nande et Hutu en territoire de Rutshuru, avec une main invisible des autorités de l’Etat incluant les élus de Rutshuru.
  3. Si les conflits et violences persistent dans l’est de la RDC, c’est parce que d’une part, la RDC a un problème de gouvernance, et d’autres part, il y a des enjeux régionaux et internationaux liés à l’exploitation des ressources minières à mettre en lien avec une crise économique touchant les pays voisins (Rwanda, Ouganda, Burundi).

Depuis juillet 2017, BIFERD travaille en partenariat avec l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) dans des activités de stabilisation de l’est de la RDC avec un volet gouvernance et renforcement de l’autorité de l’Etat dans 12 groupements au Nord-Kivu à travers l’installation de 10 points focaux venus de plusieurs ethnies et parmi lesquels 5 sont de femmes. Le processus nous conduit à travailler avec la Commission Provinciale d’Appui à la Pacification (CPAP), les Comités Locaux de Paix et de Développement de Groupement (CPDG) et les Noyaux de Paix et Développement (NPD) dans les localités. A travers ce processus de dialogues communautaires, des rencontres avec les autorités locales, l’engagement et la mobilisation des ONG de femmes, l’ONG BIFERD considère que c’est une manière de promouvoir la démocratie et la gouvernance. Mais nous avons senti que notre suivi régulier sur le terrain a été difficile au vu des risques liés à la présence des groupes armés qui bloquent l’accès à plusieurs zones. La société civile congolaise semble aussi être divisée entre plusieurs thématiques (société civile ‘Force Vive’, société civile Environnement, la nouvelle société civile, la société civile Santé), ce qui en détruit sa coordination et l’impact de son travail. Un autre défi rencontré est aussi le manque de moyens financiers et matériels.

La société civile reste, pourtant, la clé et plus d’actions sont nécessaires, telles que la sensibilisation de la population au processus électoral, le renforcement des aspects de redevabilité sociale et démocratique à travers des forums réguliers et des échanges entre les dirigeants, la société civile et les populations, la formation des membres de la société civile sur la démocratie participative, etc. Les activités de sensibilisation sur la paix et la cohabitation pacifique sont aussi urgentes dans les zones en conflit interethnique et armé. Les réponses d’urgences aux populations affectées par les conflits en donnant des abris, de l’eau, de la nourriture et une éducation devraient être urgemment réalisées car il n’existe pas de démocratie sans droit. Toutes ces initiatives/ actions demandent l’implication de la société civile, en lui allouant les moyens financiers et matériels pour le faire, d’autant plus que le pouvoir en place n’a pas pris le temps de le faire.

 

[1] Sources : Témoignages des Communautés, rapports d’évaluations sur les impacts du Mouvement Rebel M23 en 2013 par BIFERD

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